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BIOGRAPHIE

Agnès  Soral

Agnès Soral naît dans un milieu bourgeois, à Aix-les-Bains, le 8 juin 1960. Elle possède une double nationalité : helvétique par son père, conseiller-juridique, originaire du village de Soral dans le canton de Genève et savoyarde par sa mère, clerc de notaire. Elle est la benjamine de trois enfants; Jeanne, l’aînée s’investira discrètement dans la production, tandis qu'Alain, le cadet, sociologue, se fera connaître comme auteur en écrivant des textes pamphlétaires sur la société.

Lorsqu’Agnès a six mois, la famille déménage en région parisienne, d’abord à Sèvres, puis à Meudon-la-Forêt, cité encore peu urbanisée.

A quatre ans, sur le petit écran, la fillette découvre Thierry la Fronde / Jean‑Claude Drouot, notre Robin des Bois solognot, qui lui donne l’envie de devenir comédienne.

A huit ans, elle effectue ses études comme pensionnaire chez les sœurs de Meudon, où elle participe avec ferveur à la création de plusieurs spectacles de fin d’année. Mais cet  emportement tout idyllique est interrompu par un nouveau déménagement vers la capitale. La famille n'y reste que deux ans et s'établit ensuite à Grenoble où Agnès poursuit ses études " …de cancre" (sic !).

Pour accélérer son destin et en trichant sur son âge, à treize ans (" …et demi !"), elle s’inscrit aux cours du Conservatoire de la ville où elle est reçue à l’unanimité malgré son professeur principal non dupe de sa supercherie. Parallèlement, elle est marionnettiste dans la troupe d'amateurs du "Foyer Parmentier" qui donne des représentations dominicales dans toute la région. D'une étonnante précocité d'esprit, elle imagine un spectacle de clown, "Théodule Thomas, t’es un génie !", qu’elle joue dans les écoles. Ses professeurs d’art dramatique l’encouragent et la poussent à tenter sa chance à Paris …

 

A quinze ans, elle retrouve la capitale. Elle y fait quelques petits boulots : femme de ménage, ouvreuse de cinéma, mannequin de prêt-à-porter, serveuse, vendeuse, hôtesse d’accueil. Elle décore des vitrines, fait des enquêtes publicitaires afin de subsister et se payer des cours d’art dramatique, de danse et de mime. Elle se débrouille en logeant où elle peut, chez sa cousine ou ailleurs.

Dans la classe de Françoise Le Bail et Georges Wilson, des professionnels remarquent sa véritable nature lors d’une représentation des «Troyennes» d’Euripide adaptée par Jean-Paul Sartre, alors que son rôle de pleureuse se limite à trois courtes répliques. Elle y révèle un talent comique indubitable qui lui vaut la meilleure note … et la jalousie féroce de ses camarades qui la pousse à quitter le cours !

Pas désarçonnée pour autant, elle ressurgit bientôt chez Jacques Waltzer, Andreas Voutsinas, au cours Florent, etc.

En juin 1976, ouvreuse au Théâtre d’Art et d’Essai, une salle latérale au Châtelet, elle a l'opportunité de reprendre au pied levé un rôle dramatique dans «Voyage avec la drogue et la mort», une tragédie signée par le maître des lieux, Dimitri Kollatos. C'est pourtant en répétant un numéro de mime sur «L’endormissement et ses désavantages» qu’elle est repérée par la comédienne Sandrine Roméro. Lui proposant aussitôt de devenir son agent, celle-ci lui obtient une figuration dans «Un comique né» (1977), un téléfilm de Michel Polac dont la vedette n'est autre que Raymond Devos. Mais elle se fait virer au bout d’une semaine pour chahut intempestif en prenant trop à la lettre les directives du metteur en scène : "la figuration, faites moi une sortie vivante !". Son absence à l'écran se faisant sentir, on la supplie bien vite de revenir. Blessée, Agnès refuse. On lui triple son cachet, on lui offre un petit rôle et tant qu'à faire… sa carte de la S.F.P. !

Dès lors, les choses s’enchaînent et elle décroche un emploi plus conséquent dans le dernier opus des «Cinq dernières minutes» de Claude Loursais avec Raymond Souplex, au générique duquel elle apparaît une ultime fois sous son véritable patronyme. Elle l'abrégera en 1993 grâce à la loi Germinal …

 

A l'issue d'un casting passé chez Mamade, Agnès Soral est retenue pour un rôle féminin dans «Un moment d’égarement» (1977). Hélas, à la suite d’une maladie mal diagnostiquée, elle sombre plusieurs jours dans le coma. Claude Berri, le réalisateur, tient suffisamment à sa participation pour repousser le film de deux mois. Il a raison car la jeune actrice surprend tout son monde dans son rôle de la jeune ingénue tombant amoureuse du meilleur ami (Jean–Pierre Marielle) de son père (Victor Lanoux), performance saluée par la presse.

Elle tourne ensuite «Chaussette-surprise» de Jean-François Davy, une comédie joyeusement débridée qui la déçoit. Comme on ne lui propose pratiquement que des rôles sexy et superficiels, elle se dirige vers le petit écran qui lui ouvre un plus large éventail : «Les héritiers / Photos de famille» de Juan Luis Buñuel, «Aujourd'hui deux femmes» de Daniel Moosman, «Je dors comme un bébé» de Jacques Fansten, «C'est grand chez toi» de Patrick Joassin, «Minitrip» de Pierre Joassin, «Zone rouge» de Robert Valey, etc.

En 1982, elle renoue avec sa première passion, le théâtre, grâce à «Un garçon d’appartement» de Gérard Lauzier qu'elle joue au Théâtre Marigny avec Daniel Auteuil, puis Roger Mirmont et Philippe Khorsand.

Claude Berri ne l’a pas oubliée, qui prépare son mythique «Tchao Pantin» (1983) avec Coluche en pompiste de nuit dipsomane. Il lui propose le rôle de Lola, une jeune punk paumée, outrageusement accoutrée et mâchant son bubble gum. Pour ce rôle de composition, elle infiltre pendant deux mois le milieu des jeunes contestataires. Elle est nommée pour les Césars dans les catégories "Jeune Espoir" et "Second rôle féminin" … mais rate de peu la statuette, aux profits respectifs de Sandrine Bonnaire et Victoria Abril.

Ne voulant pas être cataloguée, elle revient vers la comédie : «Réveillon chez Bob» de Denis Granier-Deferre (1984) où elle campe un rôle de secrétaire plutôt niaise, «Diesel» de Robert Kramer, «Bleu comme l’enfer» d'Yves Boisset en fausse gentille, «Killing cars» de Michael Verhoeven (1985) tourné en langue anglaise, le très provocateur «I love you» de Marco Ferreri … Mettons en exergue «Twist again à Moscou» (1986), essentiellement tourné - pour des raisons politiques - dans l’ex-Yougoslavie, une production pour laquelle Jean-Marie Poiré réunit une palette étincelante, explosive, complètement déjantée : Philippe Noiret, Bernard Blier, Marina Vlady, Christian Clavier, Martin Lamotte, Jacques François, etc. Agnès, parfaite en artiste rock, interprète en langue russe une chanson apprise et enregistrée en une nuit, nonobstant une angine et une fièvre atteignant les 40°. C'est avec le même courage qu'elle assure le concert ! Chapeau bas, Mademoiselle !

 

Agnès travaille également avec des auteurs internationaux, comme sur «Trois sœurs» de Margarethe Von Trotta (1987). Elle est la seule Française de «Salades russes» de Yuri Mamine (1993), fable caustique sur l'ex Russie brejnévienne tournée à Saint-Pétersbourg et pour laquelle elle incarne une taxidermiste féministe au tempérament plutôt marqué !

Dans «Prisonnières» de Charlotte Silvera (1988), un film puissant sur les rapports de force qu’engendre le huis clos des milieux carcéraux, en l'occurrence féminins, elle interprète une jeune infanticide, côtoyant Annie Girardot, Bernadette Lafont et Marie-Christine Barrault. Malgré son titre, «Australia» (1989) a pour cadre les milieux lainiers belges en crise : elle y campe l’amie de Fanny Ardant.

On la retrouve en Guinée sous les traits de Mme. Aspirine, médecin sans frontières, dans «Le ballon d'or» (1993) de Cheik Doukouré, un film inspiré de la vie du champion malien Salif Keita. Lorsqu'elle n'est pas sur le plateau, l'actrice accompagne l'association humanitaire internationale MSF dans sa campagne de vaccinations dans ce pays qui, au moment du tournage, se trouve plongé en pleine épidémie de méningite aiguë foudroyante.

Elle alterne avec des téléfilms, comme «Bonne Espérance», une saga en sept épisodes, tournée en costumes du dix-neuvième siècle et jouée en langue anglaise, couvrant la vie entière d'une famille de riches fermiers qui se déchire sur fond de superbes décors d'une Afrique du Sud gangrenée par l'Apartheid, «The free frenchman/Un Français libre», une série franco-canadienne-anglaise tournée à Lourmarin dans le Lubéron, dans laquelle elle incarne l'épouse de Laurent Malet.

Le théâtre la sollicite dans des registres différents, notamment «Des journées entières dans les arbres» de Marguerite Duras, qu'elle reprend à la Maison de la Culture de Nantes (1989) et dans le rôle créé quatorze ans plus tôt par Bulle Ogier.

Son répertoire, des plus éclectiques, s'ouvre de la comédie au drame : une mouture masculinisée de «La facture» de Françoise Dorin avec Serge Lama dans le rôle qu'avait créé Jacqueline Maillan en 1968 (Théâtre des Bouffes Parisiens, 1990), «Calamity Jane» dans le rôle titre à la dégaine forcément prompte (Jean-Noël Fenwick, Théâtre du Montparnasse, 1991) , «Chantecler» d’Edmond Rostand sous la direction de Jérôme Savary (Théâtre National de Chaillot, 1994), «Château en Suède» de Françoise Sagan (Théâtre Saint-Georges, 1998) , «Maître Puntila et son valet Matti» de Bertolt Brecht (Comédie de Saint-Etienne), «Une chatte sur un toit brûlant», de Tennessee Williams, en tournée avec son ex-professeur Georges Wilson et notre regrettée Martine Sarcey, etc.

Avec «Train de vie» de Nathalie Mongin, pièce donnée au Théâtre de la Cartoucherie de Vincennes, elle passe avec succès l'épreuve de la mise en scène …

 

Et tant qu’à faire, pourquoi pas l’écriture ? En compagnie de Jacques Pessis, Agnès Soral nous surprend avec un spectacle antidote aux dépressions qu'agrémente un titre significatif, «Agnès Soral, c’est pas du Ronsard», donné au "Théâtre du Chien qui fume" lors du Festival d’Avignon (off). Elle en fera une version plus mordante, «Agnès Soral aimerait bien vous y voir», où, femme faussement godiche, voire guignarde, elle part dans une recherche plutôt désespérée de l’homme idéal …pour peu qu'il existât ! Créé à la Comédie de Paris, ce dernier one woman show fera l'objet d'une présentation en Avignon (juillet 2008) avant d'être joué en province.

Retour vers le cinéma, «Je suis vivante et je vous aime» de Roger Kahane (1998), histoire sobre et émouvante, nous la montre en paysanne amoureuse d’un cheminot (Jérôme Deschamps) à la recherche d’une jeune Juive déportée lors des perturbations de mars 1944. Tourné en Hongrie, et en Franche-Comté, ce film émeut par le naturel du jeu de Dorian Lambert, un attachant petit bonhomme de trois ans ! Efficace et pratique, Agnès convainc Deschamps d’être l’interprète unique de son court métrage de six minutes, «Ça boum» (1998), l'histoire d'un paysan solitaire porté sur la bouteille et rivé sur les séries télévisées.

Pas dédaigneuse des courts métrages, elle apparaît ainsi dans «Fleur bleue» de Féodor Atkine ou encore dans «Etat livresque», réalisé par deux jeunes femmes, Ghislaine Guermeur et Valentine Husson, dans le cadre d'un travail de fin d’année d’une école de cinéma.

En novembre 1999, elle personnifie la lesbienne enceinte, binoclarde, victime de moustiques et de problèmes cutanés sur les plages antillaises de Saint-Martin dans «Les gens en maillot de bain ne sont pas (forcément) superficiels» d'Eric Assous (2000) dont le tournage, par ailleurs agréable, fut perturbé par le passage de l’ouragan Lenny.

Citons encore «L'antidote» (2004) où, petite bourgeoise qui préfère le caviar aux tripes, elle apparaît les deux jambes dans le plâtre face à son époux, un homme d'affaires en crise (Christian Clavier). A ce jour, sa dernière prestation au septième art remonte aux «Brigades du Tigre» (2006) où elle campe l’assistante de Gérard Jugnot en commissaire principal et chef des fameuses brigades voulues par Georges Clémenceau, "le Tigre", alors ministre de l'Intérieur …

 

Que ce soit sous les sunlights ou sur les planches, Agnès Soral reste ouverte à toutes les fulgurances. Si elle semble privilégier et revendiquer les textes forts, il ne lui déplaît pas d’apporter son concours, son talent et son éternelle bonne humeur aux spectacles les plus débridés.

Grande écologiste avant la mode, afin de parler de la protection de la forêt amazonienne, elle participe en avril 2006 au jeu télé-réalité de TF1 «Je suis une célébrité, sortez-moi de là», dont elle fut - il est vrai - rapidement éliminée. Discutable, certes, mais très utile, puisque la somme rapportée permettra à l'association "Aquaverde" - dont elle est une marraine très active - de planter 4 000 arbres.

Présente où on ne l'attend pas, elle est choisie comme marraine d'un crû classé du Château Roubine de Lorgues, dans le Var ("Les vignes font un bon pare-feu et constituent une zone non constructible") ou d'une rose jaune orangé, La Parisienne (2009). Promue Chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres par la ministre Catherine Trautmann, elle tarde à prendre possession de sa breloque !

Alors oui, adorablement craquante ! En outre, totalement ignorante de ce que peut être la langue de bois. Un entretien avec elle est un bouquet pétillant de réparties qui n'arrêtent pas de fuser, au coeur d'une vivacité, d'une intelligence et d'un humour que Barillet et Grédy n'auraient pas récusé. Fille, au tracé irréprochable, d'une timidité extravertie mais nantie d'une profusion de “peps” particulièrement détonants, elle reste d'une rectitude absolue. Quel chemin parcouru de la silhouette aux trois répliques des «Troyennes» à l'Agnès Soral d'aujourd'hui !

On lui trouve une ressemblance avec Fanny Cottençon et Evelyne Buyle. Ces références ne la dérangent pas. La cinquantaine qu'elle vient d'atteindre ne l'empêche pas d'embellir d'année en année. Comment fait-elle ? Si la question reste sans réponse, il est impossible de résister à son charme. Dès lors, continue à nous surprendre, chère Agnès, et vit pleinement heureuse sur la rive droite de cette Ville Lumière que tu aimes tant, sans oublier les planches, la petite lucarne et l'écran blanc de nos souvenirs.

Ah oui ! Car enfin, il faut que tu le saches : Nous t'aimons !

 

 

Biographie empreintée sur le site encinematheque.fr (que je remercie)

​© Yvan Foucart - octobre 2010

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